"The red shoes", tiré d'un film de Michael Powell et Emeric Pressburger et le conte de Hans Christian Andersen qui l'a inspiré, évoque une danseuse possédée par son art qui ne peut se débarrasser de ses satanés chaussons de danse rouge diaboliques et trouver enfin la paix. Le style musical y est nettement plus simple et direct que dans n'importe quel autre album depuis "Lionheart" car les plans initiaux de Kate étaient de faire une tournée et elle a délibérément misé sur un son de groupe, avec beaucoup moins d'artifices studios comme sur les 3 précédents disques, qui auraient été difficiles à reproduire sur scène. La production, notamment, très clinquante, avec des parties de batterie mises en avant, est typique des années 90. Le résultat, on le connaît, Kate s'aliéna une bonne partie de ses fans à qui manquait la complexité de ses anciennes compositions mais d'autres découvrirent une nouvelle dimension dans les paroles et les émotions qu'elles véhiculaient.
Terminé les historiettes et les personnages de ses anciennes pièces, désormais, Kate affiche une collection de morceaux qui s'apparentent plus à une espèce de journal intime. C'est une époque douloureuse pour elle qui a subit nombre de décès, notamment sa mère Hannah et son guitariste Alan Murphy. Elle leur rend hommage (ainsi qu'à toutes les personnes qu'elle a perdu) dans la ballade "moments of pleasure", que je considère personnellement comme le meilleur titre de sa carrière, où, seule au piano, elle dégage un véritable concentré d'émotion pure, qui me donne la chair de poule à chaque écoute. Rien que pour ce morceau, "The red shoes" ne mérite pas d'être traîné dans la boue, comme il l'a été (et l'est toujours, notamment par une frange de personnes pour qui il n'est pas assez "progressif" ! "same old story...", comme dirait Genesis -ça, c'est du prog', ma bonne dame). Sa longue relation personnelle avec le bassiste Del Palmer a aussi pris fin, bien qu'ils continuent à travailler ensemble (le disque étant enregistré et mixé par lui) et nombre de morceaux parlent de rupture, notamment le poignant "you're the one", qui l'évoque ostensiblement. Bien que la douleur et les griefs de Kate soient évidents tout au long de l'album, son extrême sens de l'humour est toujours intact, notamment sur le quasi disco (!) "constellation of the heart" et sur le single "rubberband girl".
Le comédien Lenny Henry fait même les choeurs sur "why should I love you ?", un morceau sur lequel Prince contribue à la guitare, aux claviers, à la basse, au chant, sans parler des arrangements qu'il cosigne avec Kate ! Musicalement parlant, il s'agit donc d'un album orienté "dance", avec tout ce que cela implique comme termes péjoratifs associés. Kate admire Madonna et l'on sent bien que ce concept (car c'en est un, tout au moins les 7 premiers morceaux) est une forme de réponse intelligente à cet artiste (qui a sorti son album le plus hot, "Erotica" l'année d'avant). Sans vouloir rapprocher les 2 albums, la démarche semble proche. Kate fait encore appel à sa famille musicale désormais connue (les inamovibles Paddy, Del Palmer, Danny Mclntosh, John Giblin et Stuart Elliott) et renforce encore les collaborations tout azimut. Ainsi, le Trio Bulgarka est à nouveau convié sur 3 titres. Jeff Beck tient la guitare sur "you're the one" (où Gary Brooker joue de l'orgue Hammond, comme sur 3 autres titres). Eric Clapton, "ze God of ze guitar" figure sur "and so is love". Nigel Kennedy est au violon sur 2 morceaux et une section de cuivres complète figure sur plusieurs titres.
Les arrangements orchestraux sont encore confiés au regretté Michael Kamen. Au final, un album des plus accessibles, certes, mais qui apportera des joies incommensurables à celui qui voudra bien l'écouter pour ce qu'il est et non pour ses choix artistiques et productifs controversés. Un parfait complément en est le superbe film (réalisé et joué par Kate) "The line, the cross and the curve".
Renaud Oualid
KOID9
Track-list de The Red Shoes
1. Rubberband Girl (4:44)
2. And So Is Love (4:18)
3. Eat the Music (5:11)
4. Moments of Pleasure (5:17)
5. The Song of Solomon (4:28)
6. Lily (3:53)
7. The Red Shoes (4:02)
8. Top of the City (4:14)
9. Constellation of the Heart (4:47)
10. Big Stripey Lie (3:33)
11. Why Should I Love You? (5:02)
12. You're the One (5:51)
Line-up de The Red Shoes
- Kate Bush / Bass, Guitar, Piano, Arranger, Composer, Keyboards, Vocals, Producer, Fender Rhodes
Guests :
- Jeff Beck / Guitar
- Gary Brooker / Organ (Hammond)
- Paddy Bush / Vocals, Whistle (Human), Whistle (Instrument), Mandola, Valiha, Singing Bowls, Fujara, Musical Bow
- Eric Clapton / Guitar
- Gaumont d'Oliver / Bass, Percussion, Drums, Sound Effects
- Stuart Elliott / Percussion, Drums
- John Giblin / Bass
- Lenny Henry / Vocals
- Nigel Hitchcock / Sax (Baritone), Sax (Tenor)
- Michael Kamen / Orchestration
- Nigel Kennedy / Violin, Viola
- Lily / Narrator
- Danny McIntosh / Guitar
- Charlie Morgan / Percussion
- Del Palmer / Engineer, Fairlight, Mixing
- Prince / Bass, Guitar, Arranger, Keyboards, Vocals
- J. Neil Sidwell / Trombone
- Steve Sidwell / Trumpet, Flugelhorn
- Paul Spong / Trumpet
- Trio Bulgarka / Vocals
- Colin Lloyd Tucker / Vocals
- Justin Vali / Vocals, Valiha, Kabosy
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