Oyé ! Oyé ! Voici venir l'objet de toutes les attentes ! Espoirs et craintes se sont conjugués au conditionnel. Bien avant sa sortie, "Marbles" fît couler une encre enflammée, confronté aux pires rumeurs, rabaissé au crypto-scandaleux système d'auto-production mercantile du groupe.
La sortie conjointe d'une version simple et tronquée pour le grand public, puis d'une version double, idéalement conçue par les musiciens et publiée uniquement via leur site Internet n'arrangeait rien à l'affaire. ENORME !
A bras raccourcis - la presse spécialisée préfèrera s'empourprer sur un débat d'intérêt privé. Rasé de près - Marillion au pilori ! Au pinacle ! A chacun son camp et basta !
Retour sur les lieux du crime. La vision artistique voit double, adoptons cette position retranchée. De côté, les considérations morales ou éthiques sur un système discutable.
Perdre la boule - jouer aux billes. Deux interprétations de ces "Marbles" dispersées au gré de 15 fleurons étincelants : concept album pas vraiment alambiqué mais bercé d'une noirceur à fleur de peau.
"Invisible Man" marque la conjugaison syncopée entre Trewavas et Mosley. Epuré à l'extrême sur des tessitures électroniques inquiètes et tranquilles, son crescendo final nous régale d'un Steve Hogarth à l'indéniable finesse vocale. Du grand art, sur un plateau brûlant. Incandescent.
Tout semble à sa place. Le travail de maturation des années 90 enfin abouti. Du culot mais aussi de la conviction dans cette métamorphose. Un vrai miracle baigné de nouvelles influences.
Sensations fortes et immédiates : les premiers singles très pop "You're Gone" et "Don't Hurt Yourself" nous offrent une jolie touche d'humanité. Pas si béats. Furieusement vivants.
Les envolées lyriques emportent "Drilling Holes" (très Beatles) et "Fantastic Place" - le romantisme de "Genie" et "Angelina" atteint une sérénité d'une sensualité inhabituelle. Mélodies douces amères et jamais mièvres, le programme est encadré par notre panoplie de billes dispersées au gré du vent. Petits poèmes mis en musique, à la concision fraîche et sans prétention. La grande classe !
Les amants de la musique sauront flâner parmi les 18 minutes de "Ocean Cloud".
Chargé de reprendre en main son rock (néo) progressif poussé vers la pop à sucrette, Marillion laissait planer quelques espoirs et pas mal de doutes après la déconfiture Marillion.com (1999) et le couci-couça Anoraknophobia (2001). Trois années de remise en question après, cest pourtant le financement de lalbum qui allait faire couler beaucoup dencre virtuelle et son cortège de polémiques : Marillion ayant décidé de sappuyer sur son énorme communauté de fans pour financer la production et la promotion de ce treizième album, et ce, avant même den avoir écrit une mesure. Novatrice à lépoque, lidée déconcerta et poussa le groupe à se perdre quelque peu dans une sortie aux forceps en deux versions ! Une édition simple pour les réseaux de distribution classiques et double via leur propre label (Racket Records). Idée saugrenue quand on sait que Marbles est à lorigine un album conceptuel, réparti sur 15 tranches de pain complet. Le principe den expurger la moitié tenait donc de la mutilation pure et simple ! Avec le recul, la version double semble aujourdhui la seule à devoir être sérieusement prise en compte. Pour lémotion, le frisson et la pureté fiévreuse des chapitres proposés.
Car voilà enfin un prog-rock électrique et hédoniste réussi comme on en voit (trop) peu souvent. La force de ce Marillion, mené par un Steve Hogarth aux multiples facettes vocales, tient de cette vitalité contagieuse, de cette urgence, de cette énergie qui ne faiblit jamais. La montée dadrénaline de « Invisible Man » (chef duvre de crescendo), la pop post-adolescente de « Dont Hurt Yourself » et « Youre Gone », la grace des cartes postales « Marbles » le gang anglais renouait ici avec un sens mélodique majuscule. Bonifié par lexpérience, les musiciens ne cherchent jamais à se bouffer entre eux : Steve Rothery, Mark Kelly, Pete Trewavas et Ian Mosley vont même picorer de nouvelles influences (Radiohead, Muse, Coldplay et consorts) avec un beau mépris des routines et des plans de vol trop cadrés. En passant de « Drilling Holes » (très Beatles) à « Fantastic Place », du romantique « Genie » à « Angelina », Marillion nous évoque des histoires damour nostalgiques, des souvenirs pleins de spleen lumineux. Mieux, les dix-huit minutes de « Ocean Cloud » retrouvent cette formule magique durant lesquelles Hogarth redevient cet indompté témoin des douleurs et dirréparables blessures. Vibrante. Aveuglante. Lhistoire se termine avec le bouleversant « Neverland », conclusion totalement inspirée et habitée qui enveloppe le tout de son voile diaphane.
Sur un dernier écho, lalbum charpente son uvre de synthèse (Afraid of Sunlight, This Strange Engine, Brave et plus si affinités) en touchant lâme et le cur. À sa sortie, Marbles bouscula les plus sérieux fidèles (ne parlons pas des nostalgiques de la période Fish) du Marillion deuxième période. Pourtant, avec le temps, sa fulgurance créatrice aura raison des plus récalcitrants tant il culmine aujourdhui dans les hauteurs dune discographie de choix.
Single disc version 1. The Invisible Man (13:37) 2. Marbles I (1:42) 3. You're Gone (6:25) 4. Angelina (7:42) 5. Marbles II (2:02) 6. Don't Hurt Yourself (5:48) 7. Fantastic Place (6:12) 8. Marbles III (1:51) 9. Drilling Holes (5:11) 10. Marbles IV (1:26) 11. Neverland (12:10) 12. You're Gone (Single Mix) (Bonus Track)
2 Disc version CD 1 (53:43) 1. The Invisible Man (13:37) 2. Marbles I (1:42) 3. Genie (4:54) 4. Fantastic Place (6:12) 5. The Only Unforgivable Thing (7:13) 6. Marbles II (2:02) 7. Ocean Cloud (17:58)
CD 2 (45:14) 1. Marbles III (1:51) 2. The Damage (4:35) 3. Don't Hurt Yourself (5:48) 4. You're Gone (6:25) 5. Angelina (7:42) 6. Drilling Holes (5:11) 7. Marbles IV (1:26) 8. Neverland (12:10)
Total Time: 98:57
Line-up de Marbles
- Steve Hogarth / vocals, hammered dulcimer - Steve Rothery / guitar, bass - Pete Trewavas / bass, acoustic guitar - Ian Mosley / drums - Mark Kelley / keyboards
Guest: - Carrie Tree / additional vocals on "Angelina" and "Genie"
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