Sans tambours, ni trompettes, voici un double-album qui risque de faire du bruit. Première impression : KURTZ. Un patronyme énigmatique mais en regardant de plus près, surprise ! Cette nouvelle formation française n'est autre que le dernier projet du chanteur anciennement commercial et lénifiant Pascal Obispo ! Oui, vous avez bien lu... l'auteur de la ritournelle sous analgésique "Fan" nous livre ici ses premières compositions résolument progressives, novatrices carabinées !
"J'écoute depuis des années les albums de Porcupine Tree, Dream Theater, Soft Machine, Yes et tous les autres. J'ai senti qu'il était temps de m'y mettre à mon tour. Cet album est ma lettre d'amour à un genre majeur."
Cest chose faite avec ce premier concept-album basé sur "Apocalypse Now" (lui-même adapté de "Au coeur des ténèbres" de Joseph Conrad), le film préféré du chanteur qui recouvre toutes ses thématiques habituelles : obsessions pour la mort, identifications schizophrène, recherche de l'absolu, domination, despotisme.
Le résultat est magistral et dans la lignée du Close to the Edge de Yes ou du Snow de Spock's Beard, rien de moins !
Obispo déboule et déroule avec une rare intensité ses compositions inspirées. Sa virtuosité lui permet de passer sans vergogne de la six cordes luxueuse (létonnant solo sur « Clean Death ») aux claviers (mini moog, fairlight etc.), en passant par les percussions, la flûte irlandaise, la basse, les bongos, la sitar... toujours dans la grande tradition des multi-instrumentistes comme Neal Morse dont il avoue être très... friand. Malgré tout, et on ne se refait jamais tout à fait, quelques accents pop édulcorent par moment un propos maîtrisé (« Poudre Orange », « Vaches sacrées ») et la reprise approximative du tube des Creedance Clearwater Revival « Suzie Cul » en duo avec Izia reste un peu en dedans (on sera plus convaincu par Shym sur « Bottom Rock »). Petits bémols en forme de scories qui ne devront pas décourager car l'immersion fonctionne à plein régime et l'instrumentale « Valkyrie Despotique » doté d'un langoureux bouzouki vaut son pesant de cacahuètes. Album politique, Obispo n'oublie pas ses engagements (« Noix de Cocos », sublime) à travers des textes subtiles et bien balancés. Alternant français, vietnamien et anglicisme abstrait, la richesse des intonations va de pair avec la fureur musicale qui clôt cette première partie : « Miettes de Viets » déploie ainsi son arsenal de guitares saturées sur des hurlements à faire bondir nimporte quel fanatique de metal doom quand le bruitage de court-jus électrique donne, lui, toute la superbe nécessaire à l'interlude « PsychoGénéne », comme un préambule vers le grand uvre.
Car le grand moment reste la suite éponyme « Napalm Dream » qui s'étend sur près d'une heure et huit tableaux colorés recouvrant toute la folie du projet. Précurseur et expérimental, nous retrouvons les influences de Gong (la présence de Armande Altaï n'y est pas étrangère puisqu'elle a collaboré avec le groupe dans les années 70), Magma, Henry Cow ou King Crimson. Tout cela mixé aux accents Polnareff sur l'incroyable « Polnalypse Now » (avec Benoît Poher de Kyo) où la chauve-souris déploie des trésors de virtuosité vocale à travers un canon mémorable digne de Gentle Giant. « Grillés » et sa débauche d'effets sonores ouvre la voie au déjanté « Royaume Delta Z-48b » avant un « Kurtz Chorale » surprenant de puissance émotionnelle. Quelle idée géniale d'avoir fait appel aux jeunes Jean-Baptiste Maunier (chanteur miraculeux du film les Choristes) et Elodie Frégé pour ce morceau de bravoure de 18 minutes combinant avec génie un thème typique de chorale liturgique sur des accents psychédéliques dignes de Steve Barrett. Le résultat est proprement hallucinant ! Enfin, ne faisons pas l'impasse du titre « Finale » sur lequel Florent Pagny et Patrick Bruel viennent épauler leur ami de longue date sur fond de folk-gothique où les capacités gutturales des trois compères sont mises à rude épreuve. Mais quelle énergie et quel résultat. Quel coup de pied au cul ! En bonus DVD, nous retrouvons le making-of de l'album, réalisé par Elie Chouraqui.
Au final, ce Napalm Dream est une réussite absolue. Sachant mixer les influences les plus diverses pour un résultat maximum. Gageons qu'il ouvrira le chemin du rock progressif balloché aux grandes maisons de disque et faire la lumière sur un style musical injustement décrié. Pascal Obispo s'avère un « compositueur » fin et subtile, il entre par la grande porte dans un genre virtuose. Bonne nouvelle, un second album est déjà en préparation sur le thème de "La peste" de Camus. A consommer sans modération !
1. Palindrome Obsession (7:21)
2. Poudre Orange (4:01)
3. Clean Death (12:22)
4. No arms, No chocolate (6:41)
5. Vaches Sacrées (3:40)
6. Valkyrie Despotique (8:54)
7. Suzie Cul (4:08)
8. Noix de cocos (7:58)
9. Miettes Viets (15:10)
10. Bottom rock (3.21)
11. PsychoGénène (0:22)
CD 2 :
1. Napalm Dream (59:07)
a. Green wire on the green button
b. Polnalypse Now
c. Enfants du Napalm
d. Grillés
e. Royaume Delta Z-48b
f. Kurtz Chorale
g. Folie Défoliant
h. Finale
Bonus DVD
- Making of "Napalm Dream" directed by Elie Chouraqui
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