Comme l'indique mon pseudo, je suis un grand fan du Floyd. Or, Nick Mason, le batteur de ce groupe, fut aussi le producteur de Rock Bottom. Lintérêt pour le bonhomme aurait très bien pu sarrêter là. Mais Wyatt avait été membre dun des plus grands groupes de free jazz de la fin des années 60, Soft Machine (on aime ou on naime pas, mais force est de constater que Robert était en grande partie responsable de la personnalité originale de cette formation de doux dingues), puis de Matching Mole (la machine molle, ah, le mauvais jeu de mots !)pour une musique encore plus expérimentale. Bref, lhomme avait un CV bien sympathique, et Rock Bottom était encensé par tous les critiques. Suffisamment de raisons, donc, pour que jaille me procurer ce disque, qui risquait dêtre plutôt pas mal.
Et, en effet, jai découvert un album plutôt surprenant ; tout dabord par sa pochette(L 'ancienne, pas celle que vous avez devant vous). Luvre de sa femme, Alfreda Benge est pour le moins énigmatique : sur un fond parfaitement blanc se dessine, au crayon gris clair, les ombres très légères dune plage avec au premier plan, semble-t-il, des plantes aquatiques.
Le contenu du disque sera-t-il aussi déroutant ? Dès la première écoute, il apparaît clairement que lalbum ne propose pas, loin de là, une approche classique de la musique : lambiance semble très expérimentale, déstructurée et désorganisée. Et il faut bien une deuxième écoute pour entrevoir lintense émotion qui se cache derrière ces titres étonnants. Car lalbum, malgré quelques pointes dhumour, est grave, on le sent bien. Cest que Wyatt à la suite dune soirée bien arrosée, sest retrouvé défenestré. Il a perdu dans cet accident lusage de ses jambes (ce qui est dautant plus dramatique pour un batteur.) Cest dans une chambre dhôpital quil écrit ces chansons. Rien détonnant, alors, que ces morceaux soient fortement empreints de sentiments noirs et dépressifs.
Car cest bien là, je pense, la grande évolution de Rock Bottom : ici, lexpérimentation nest plus une fin en soi, elle nest quun moyen de nous faire pénétrer dans un monde d émotions nouvelles et de sensations noires.
Dès les premières notes de Sea Song, on sent tout de suite que ce disque risque dêtre différent , tant la musique semble quelque peu « bancale »,toujours à la limite de la rupture, et dirigée par la voix pleine de nostalgie dun ange qui a beaucoup de mal à senvoler.
A partir du deuxième titre, emportée par un piano répété en boucles, et le tintement des cymbales de Kevin Ayers, la voix se fait plus inquiétante au fur et et à mesure que la musique se déstructure. Et à chaque note plus grave du piano, on a peu à peu le sentiment de pénétrer dans lenfer cérébral dun personnage torturé.
Sentiment renforcé par le vol de trompettes incessantes qui viennent nous faire tourner un peu plus la tête. Nous voilà bel et bien dans un monde infernal. Et si les roulements de piano nostalgiques, ainsi que le (dernier ?) souffle plaintif de Wyatt ont pu nous tromper quelques instants en nous proposant une musique plus apaisée (mais pas moins déprimée)sur le 4e morceau dédié à sa femme, les cris rageurs du saxophone et la voix quelque peu diabolique de Wyatt.
Et ce nest pas le sursaut dénergie et la rythmique presque militaires du dernier titre qui y changeront quelque chose, (sursaut dénergie qui, dailleurs, se perdra rapidement dans un délire guitaristique) ni le trait dhumour surprenant des dernières minutes (mais est-ce vraiment un trait dhumour ?)
Un album plutôt sombre et déprimant, donc, cest évident. Evident, bien sûr, mais pourquoi ? Pourquoi diable a-t-on à lécoute une sensation de malaise et de tristesse ? Permettez-mo de faire référence à mon groupe favori, car si cela semble clair pour un disque tel que The Wall, ça lest beaucoup moins pour Rock Bottom. Tout simplement, je pense, parce que lauditeur naura pas la même relation avec ces deux disques : alors que the Wall simpose aux oreilles, le disque de Wyatt soffre au public, qui peut limaginer et le réinventer à chaque écoute, y mettre ses propres émotions , ses propres soucis également pour mieux comprendre et sapproprier cette musique. Un album plus à limage de titres planants tels quA saucerful of secrets ou Interstellar overdrive, destinés à suciter limagination.
biding mytime
Track-list de Rock Bottom
1. Sea Song (6:31) 2. A Last Straw (5:46) 3. Little Red Riding Hood Hit the Road (7:38) 4. Alifib (6:55) 5. Alife (6:31) 6. Little Red Robin Hood Hit the Road (6:08)
Total Time: 39:37
Line-up de Rock Bottom
- Robert Wyatt / vocals, keyboards, percussion, guitar - Richard Sinclair / bass - Hugh Hopper / bass - Laurie Allan / drums
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