Voici lalbum sur lequel tout le monde parle, glose, cause, discute, dispute, analyse, flash-back, flash-forward, fantasme et plus si affinités. Nen jetez plus ! Radiohead est de retour et met les exégètes de la question en émois printaniers. Il nen fallait pas plus pour exciter les sens quasi éteints des drogués du rabougris. Bon, daccord, mais alors ? A Moon Shaped Pool (traduire « une piscine en forme de Lune ») est-il un album incandescent ou une flammèche de sauvetage pour mélomane en perdition ? Attendez, si lon revient un pas en arrière, il nous faut rappeler que depuis le conceptuel The Kings of Limbs (2011), précédent opus diversement apprécié, nos cinq amis se sont lancés dans des projets personnels plus ou moins bandants (Atoms of Peace pour Thom Yorke, des bandes originales pour Jonny Greenwood, un album solo pour Phil Selway, retour à une vie normale pour Colin Greenwood et Ed OBrien) et une chanson écrite et recalée pour le dernier James Bond en date, Spectre (2015). Rien de grandiose mais après leffacement en règle de leurs traces sur Internet (site officiel, réseaux sociaux transformés en voile blanc) et lagencement savant de fausses rumeurs, le neuvième album de Radiohead pouvait enfin sortir, trente ans après leur formation à Abington, près dOxford. Précisons que cette sortie fracassante se fait de prime abord via les plateformes de téléchargements (la version « physique » sortira un mois plus tard), allant ainsi à contresens des positions quasi politiques du chanteur qui ne se gênait pas, jusquici, pour cracher copieusement sur lindustrie du streaming et du dématérialisé. Une démarche qui était allé jusquà contourner le circuit de distribution habituel avec In Rainbows (2009) proposé au prix voulu par lacquéreur. Mais les temps changent
Et la musique ? Disons-le, A Moon Shaped Pool ne plonge pas dans lexpérimental, ni dans labstraction redoutée. En ce sens, nous sommes plus proches dIn Rainbows que dAmnesiac (2001). Le quintet ne sempêche toutefois pas quelques envolée spécieuses (« Ful Stop ») entre deux dépressions acoustiques (« Desert Island Disk ») ou singularités rock (« Decks Dark »). Pop, prog, organique et rempli dun spleen mis sous la tension des cordes et des churs ténébreux du London Contemporary Orchestra (« The Numbers » un des sommets du groupe, tout simplement), lalbum flirte avec le désertique lunaire (« Present Tense »), les textures lunatiques (« Identikit »), une forme de poésie qui flirte avec le morbide sans sy vautrer (« True Love Wait ») ni caricaturer.
Surtout, Radiohead (re)trouve linspiration, la grande, transversale, dune carrière haut placée. Attendu comme un chef duvre, chaque album du groupe porte la délicate mission de ne pas décevoir et même plus, de transcender via le sang séché dune musique aux tripes. Sils ny sont pas toujours parvenus, la faute à certaines froideurs calculées, A Moon Shaped Pool sen approche avec lart de la lumière tamisée et moult frissons fascinants. En peaufinant chaque aspect du projet, de sa production, magnifique, à lemballage luxueux en passant par des clips soignés (« Burn the Witch » animé par les studios Aardman et « Daydreaming » réalisé par Paul Thomas Anderson), les britanniques nessayent plus dexplorer au-delà de linfini et proposent onze titres ambitieux et obsédants. Baignés dune lumière particulière. Recouverts dune fine poussière, balayée par le vent solaire.
AmarokProg - Rock, Folk, Rock Alternatif, Metal, Prog Rock, Hard Rock, Blues, Bluegrass, Jazz, Celtique... le webzine musical avec albums, groupes, discographies, critiques, videos et extraits...