On a encore un peu de mal à le croire et pourtant. Mike Oldfield est de retour aux affaires. Enfin, oui et non. Après le succès de son apparition surprise sur la scène de la cérémonie douverture des J.O. de Londres en 2012, le guitariste sest donc remis dans le bain, lui qui sirotait une retraite méritée du côté des Bahamas. Mais une vie familiale à nouveau mouvementée (instance de divorce) et les chatouillis de la renommée nont pas tardé à taquiner la bête en hibernation. Moins de deux ans plus tard, lalbum est là, comme une locomotive flambant neuve (édition simple, double, deluxe), une énième promesse de nouvelle vie musicale. Mais avant même larrivée de ce Man on the Rocks, un lot de rumeurs et de premières ébauches avaient largement entamés les meilleures intentions. Lalbum sera rock, folk, blindé de chansons lisait-on. Une véritable catastrophe annoncée, une apocalypse inévitable, pour tous les Cassandre de la première heure, les mêmes qui, malgré la période chill-out pas spécialement folichonne, restaient encore accrochés à lespoir quil nous resserve un de ces quatre du Ommadawn, du Hergest Ridge ou lultime fantasme dun nouvel Amarok.
"Let me out, I can't breathe/ Gotta get out of this concrete hole"
Ces premiers mots (bien) chantés par Luke Spiller (The Struts) annoncent la couleur. Le résultat est là. Sacrément tragique pour les uns (forcément), plutôt sympatoche pour les autres. Daccord. Mais de quels autres parle-t-on ? De ceux qui prennent encore Mike Oldfield pour un songwriter majeur et inspiré. Ceux qui parviennent toujours, par une sorte de schizophrénie imposée depuis lépoque Richard Branson, à séparer le compositeur duvres instrumentales chiadées et au-dessus du paquet de lauteur de chansons le plus souvent en mode mineur... à quelques fameuses exceptions près (« Moonlight Shadow », « To France »).
Mais la fausse bonhommie affichée ne doit pas faire oublier le reste. Et ce reste, justement, ne doit pas non plus écraser cet album modeste, plutôt bien produit par Stephen Lipson (Jeff Beck, Hans Zimmer, Paul McCartney) avec une tripotée de musiciens pas piqués des hannetons : Leland Sklar, John Robinson, Matt Rollings, Michael Thompson et Mike Oldfield, qui soffre ici quelques instants de solistes de haute volée. Les obsédés de turbulences, de brisures traumatiques en tous genres, de bizarreries psycho-mélodiques en seront pour leurs frais. Le propos est ailleurs. La vérité aussi, probablement.
Après 41 ans de carrière, Mike Oldfield réalise peut-être lalbum dont il a avait rêvé lorsquil côtoyait Mike Jagger à 12 ans par lentremise de sa frangine Sally et de sa copine Mariane Faithfull. Il se rêvait alors en « rockstar » pop avec les stades remplis en ligne de mire. On en est loins, mais ses allusions à Tom Petty (« Sailing »), Meat Loaf (« Nuclear »), U2 (« Moonshine »), Mark Knopfler (« Dreaming in the Wind ») et au Steve Miller Band évitent encore à lalbum de seffondrer sur lui-même. Il assure le cahier des charges avec une meilleure tenue que certains de ses anciens travaux.
Pas exempt de lourdeurs (le mielleux « Minutes » ou le trop longuet « I Give Myself Away » de William McDowell), quelques très belles choses sont perceptibles (« Castaway », « Dreaming in the Wind », « Man on the Rocks », « Moonshine »). Si ces titres ne permettront jamais de sauver lalbum aux yeux des plus exigeants et des exégètes nostalgiques, il nous donne loccasion de réentendre le musicien au fil de chansons finalement très personnelles. Et pour les plus pessimistes, les plus définitifs, il faut se rappeler quaprès Earth Moving, album calqué sur le même modèle de la ritournelle inconstante, Mike Oldfield avait accouché dans la douleur de son Graal Amarok. What else?
01 Sailing 02 Moonshine 03 Man On The Rocks 04 Castaway 05 Minutes 06 Dreaming In The Wind 07 Nuclear 08 Chariots 09 Following The Angels 10 Irene 11 I Give Myself Away
Line-up de Man On The Rocks
- Mike Oldfield / guitars, keyboards - Leland Sklar (Phil Collins, Crosby, Stills & Nash, James Taylor) / bass - John Robinson (Michael Jackson, Eric Clapton, Daft Punk) / drums - Luke Spiller (the Struts) / vocals
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