En 1975, la sortie de Ommadawn fût loccasion de servir, bien chaud, un chef duvre absolu du rock progressiste mais également laccessit idéal pour une dépression carabinée en abandonnant notre Mike Oldfield dans des profondeurs névrotiques insoupçonnées. Un forage tel quil se lancera dans le « cercle » Exegesis (moult détails seront édités plus tard dans son autobiographie Changelling), pseudo-mouvement new-age grâce auquel il revivra le trauma de sa naissance (!) avant de se marier dans la foulée avec la fille du gourou puis de divorcer quelques mois plus tard. Ouf ! Nettoyé. Peigné. Apprêté. Mike reviendra donc lavé des parasites, imberbe et en costard. En troquant ses oripeaux de hippie décharné pour un style plus classieux, le voici serein. En apparence. Dans le paletot, un double album réparti sur quatre tranches de pain complet sésame.
Incantations sera donc un album bicéphale. Il prendra même son temps pour le composer, et le recomposer : une grande partie des éléments déjà écrits avant son expérience communautaire ayant été revus et corrigés. Surtout, Mike Oldfield sentourera dun véritable orchestre pour lenregistrement, délaissant lénergie viscérale de ses troubles dantan pour un apaisement plus ou moins feint. Du zen adapté en mode homéopathique. Plus cérébral quinstinctif, Incantations est donc porté par un xylophone spacieux, une flûte scintillante signée de son frangin Terry Oldfield, des percussions africaines tenues, comme sur Ommadawn, par la troupe Jabula et une poignée dinvités fondamentaux pour la suite des événements : Pierre Moerlen (Gong) et Maddy Prior (Steeleye Span, Henry Cow) dont la voix chaude et sucrée ajoutera au mysticisme ambiant. Côté guitare, le père Oldfield nétait pas en reste. Affûté dans le mélodique, il danse avec un récif dharmonies hypnotiques (« Part Three ») déversant un feeling psychédélique réanimé (« Part Four »).
De ces rythmes lancinants où toute violence décadente se voit fièrement rejetée par-dessus bords, lalbum pêche (pour les plus pinailleurs) par une longueur qui pousse parfois vers une certaine torpeur (« Part Two »). Mais une incantation ne doit-elle pas, justement, nous porter, nous soulever jusquà cet état second proche du mystique ? Toujours est-il que des années plus tard, les 74 minutes de ce très beau double album poussèrent Virgin à couper plusieurs minutes de la troisième partie pour pouvoir faire tenir la chose sur un CD de première génération sans envisager den faire un double CD moins rentable ! Une philosophie mercantile signée Richard Branson qui aboutira, finalement, au divorce entre les deux hommes. Mais cest une autre histoire.
Quoi quil en soit. Rien ne saurait occulter la richesse des thèmes funambules, souvent miraculeux délivrés par ces Incantations, dignes métaphores musicales dune allégresse en clair-obscur de ce Parsifal guitariste en quête dinnocence.
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