Robert Wyatt est quelqu'un qu'on pourrait qualifier de "créatif pur", j'entend par là un esprit qui par son travail n'a jamais recherché ni l'argent, ni le succès, ni le prestige ou la reconnaissance, mais "seulement", presque égoïstement, son propre plaisir . Pas ou très peu de concerts, ou de médiatisation, seuls quelques albums ponctuels.
Dans une de ses rares interviews, donnée relativement récemment, il affirmé la chose suivante: "ce n'est pas parce qu'une musique est plus sophistiquée qu'elle est supérieure à une autre." De quel meilleur état d'esprit, ou plus sain, un musicien peut-il être animé?
C'est une des phrases qui peut le mieux définir l'artiste, qui ne cherche pas à faire mieux, à se surpasser, à offrir forcément quelque chose de neuf, mais seulement à s'exprimer dans un langage universel: celui des l'émotion.
Rien de musicalement hallucinant donc, mais pourtant, on reste sans voix à chaque album, hypnotisés et ressourcés....
Encore un indice qu'a donné Wyatt pour nous aider à comprendre sa conception de la musique en disant que pour lui, les paroles n'étaient qu'un artifice dont la seule fonction était de sublimer la musique par les intonations, les sonorités et l'émotion, la chaleur que les mots seuls sont capables de transporter; les mots au service de la musique en définitive.
Chaque titre à sa façon nous confirme cette vision des choses: la singularité de la déclaration de "Sea Song"; les paroles énigmatiques, presque enfantines de "Alifib"/"Alife", deux titres qui s'enchaînent avec EXACTEMENT les mêmes paroles, mais tant la progression est conséquente, l'ambiance transfigurée, que les mots s'effacent pour laisser s'exacerber le ressenti d'un titre à l'autre; l'intonation de "Little Red Robin Hood Hit the Road", pas chantée, ni parlée, mais .... ce mot n'existe pas!
Autrement dit, nous voici avec cet album aux antipodes de bons nombres d'albums progressifs plus conventionnels.
Il est donc normal que son approche puisse sembler si difficile et différente de tout ce qu'on a déjà pu avoir à aborder.
D'une part, le disque est rempli de "détails" presque insignifiants, qu'on ne peut pour certains palper avant un certain nombre d'écoutes, mais qui un-à-un rendent ce disque unique,
Par exemple, une respiration sur "Sea Song" où l'on entend des croassements, un décallage d'à peine une seconde entre les deux oreilles sur "Little Red Riding Hood Hit the Road" qui rend le titre si hypnotique et magique etc.
Ensuite, la première écoute, trompeuse, qui nous laisse entrevoir des titres aux ambiances austères, oppressantes, mélancoliques, presques depressives, mais est-ce vraiment le cas?
L'histoire de l'album tend à nous conforter dans ce sentiment, mais à mon avis, ce n'est rien de ça.
Cet album est tout simplement l'un des plus humains jamais réalisés! De la mélancolie? Non, de l'optimisme, sûrement!
Ecoutez le et réécoutez le pour vous en convaincre et permettre à sa lumière essentielle de vous atteindre!
Quant enfin à la progressivité ou non de l'album, finalement quelle importance?
C'est justement en ce côté mélismatique, en cette façon de transcender cette simplicité, de la sublimer, de l'arranger, la transfigurer par les mots, en la rare intensité, l'émotion et la chaleur qui s'en dégagent, en cette façon de tourner et de retourner chaque titre afin d'en extraire l'essence même comme si la finalité de l'écriture:,l'enregistrement, la prise ultime, telle que nous la connaissons était d'une évidence et d'une simplicité absolue, à la façon d'un Mozart, l'album semblait déjà "prêt" et finalisé avant même d'être mis sur papier; en les interrogations qu'il soulève et sa profondeur, en
la cohérence et la force de sa structure, et la progression qui s'observe d'un titre à l'autre que ce disque est indispensable, vraiment!
Et puis, Wyatt s'est entourré d'une myrriade d'artistes qui tiennent d'une part le rôle d'ami, statut essentiel à la compréhension de sa perception et de ses attentes et à la reception de son oeuvre mais aussi d'autre part le rôle de
musiciens talentueux; je retiens particulièrement les cuivres magiques de "Little Red Riding Hood Hit the Road" (Mongezi Feza), la clarinette basse époustoufflante de "Alifib" (Gary Windo), la guitare extraterrestre de "Little Red Robin Hood Hit the Road" (Mike Oldfield), la précision des basses de Sinclair/Hopper, enfin bien-sûr, Wyatt lui-même, sa voix angélique, ses claviers obsédants, cet évantail de talents qui font de lui un artiste complet.
Et ce qui est d'autant plus magnifique, c'est l'équilibre qui règne sur l'album! Personne pour s'imposer ou concurrencer,
mais chacun apportant une touche supplémentaire au génie de l'album, en toute simplicité.
En celà encore, chapeau à Wyatt pour avoir pensé et fait appel à ces personnes.
Pour encore toutes les choses que je n'arrive pas à exprimer de façon compréhensible par des mots, ecoutez cet album et si ils ne vous a pas totalement convaincu, écoutez le encore!
Khyber.
(éditéé car problème de mise en forme qui la rendait difficilement lisible :) )
Khyber
Track-list de Rock Bottom
1. Sea Song (6:31) 2. A Last Straw (5:46) 3. Little Red Riding Hood Hit the Road (7:38) 4. Alifib (6:55) 5. Alife (6:31) 6. Little Red Robin Hood Hit the Road (6:08)
Total Time: 39:37
Line-up de Rock Bottom
- Robert Wyatt / vocals, keyboards, percussion, guitar - Richard Sinclair / bass - Hugh Hopper / bass - Laurie Allan / drums
AmarokProg - Rock, Folk, Rock Alternatif, Metal, Prog Rock, Hard Rock, Blues, Bluegrass, Jazz, Celtique... le webzine musical avec albums, groupes, discographies, critiques, videos et extraits...