Flash back en 2011. Un nouveau Yes déboulait ! Morose. On pouvait rester un peu incrédule devant la chose tant elle fut annoncée, annulée, relancée, dénoncée. Derrière une pochette à nouveau ripolinée par linextinguible Roger Dean, Fly From Here avait donc été accouché dans la douleur et un chaos alentour qui condensait à lui seul lhistorique dun groupe carré das du prog-rock estampillé âge dor. Dans le microcosme des amateurs, chacun apprécia la portée de lévénement.
« Sur Anne ne vois-tu rien venir ? »
« Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et lherbe qui verdoie »
Sous couvert dun line-up volatile (Jon Anderson et Rick Wakeman balayés, Oliver Wakeman un temps derrière les claviers, lui-même congédié), le leadership croisé de Chris Squire et Steve Howe simposait in extenso. Encadrés par Alan White et Geoff Downes sous la houlette du précieux producteur Trevor Horn, nous voici très proche de la formation période Drama (1980). Miséricorde ! Dans lhistorique chaotique du groupe anglais, chacun sait à quel point Drama fait encore figure de Cassandre musical, comme un prémice à la plongée aux enfers de la pop et des charts.
Précisons le choses : lhistoire nen finissant pas de se retourner, Fly From Here avait donc vu léviction un peu malsaine du chanteur iconique et haut perché Jon Anderson. Rien de bien surprenant pour qui sest déjà penché sur lhistoire interne dun groupe en fission permanente. Anderson sur la touche, Chris Squire est donc allé recruter le québécois Benoît David, chanteur dans les clous de Mystery Pour se rassurer, le groupe sest ensuite arque bouté sur les accents témoins de « We Can Fly », un morceau écrit à lépoque de Drama (encore !), rallongeant ici la sauce sur plus de vingt minutes. Et le résultat, loin de toute branchitude actuelle, sonne évidemment comme un mixage luxuriant entre les charnières Drama-Asia-90125. Pourtant, leau avait coulé sous les ponts.
Mais Yes aura pris le temps de nous livrer de petits moments de grâce, léger et chaleureux comme une veillée au coin du feu. Au fil dune suite impeccable, les différentes périodes du groupe semblent sêtre données rendez-vous sur un long fleuve tranquille : des mélodies entêtantes, sophistiquées (« We Can Fly »), une délicatesse qui flirte par moment avec la magie lunaire (« Sad Night at the Airfield », véritable chef duvre qui évoque un certain Pink Floyd), raideurs faussement maladives (« Madman at the Screens »), friandise désarticulée (« Bumpy Ride ») et un final qui envoie galoper claviers, churs vibrants, basse dodue et guitare ciselée avec un réel brio. La production en béton armée eighties ajoute à la réussite nostalgique. Splendide !
Évidemment, difficile de tenir la corde plus longtemps. La tension baisse dun cran sur les titres plus courts, moins ambitieux. Du folk joliment vintage de « The Man You Always Wanted Me To Be » au dramatisant « Life on a Film Set » en passant par la ballade élégante « Hour of Need », le versant acoustique donne la part belle à la guitare volubile de Steve Howe rarement mis en avant avec autant daplomb. Son solo sur le bien nommé « Solitaire » rappellera évidemment les grandes heures de « The Clap » et « Mood For A Day ». Avis aux amateurs.
On sent alors toute la volonté de Yes de renouer avec un peu de toute son histoire. Même le délicieux « Into the Storm », festif, positif, avec le flonflon dantan et cette vocation à rendre heureux, emprunte à luvre sa matière première. Dans cette énergie, puissante, de remettre son travail à louvrage, Yes embarque lauditeur avec lui.
Et Benoît David dans tout cela ? Ciblé comme lhérétique de lhistoire, la pièce rapportée qui, forcément, devait transformer lalbum en simili Yes-classical, en vague ersatz de la grandeur dantan. Il est vrai quau-delà de sa voix aventureuse, on ne peut sempêcher dimaginer chaque titre porté par Jon Anderson. Une impression nettoyée au fil des écoutes. On sera dailleurs gré à Benoît David de ne jamais imiter ou caricaturer son prédécesseur. Que sa prestation ne fasse pas imploser Fly From Here en plein vol tient de lexploit remarquable. Certes, Yes a déjà culminé sur de plus hauts sommets. Mais que lon ne sy trompe pas. Tout ce qui fait quil fut et reste un grand groupe est là. Et dans la multitude des albums proposés, pleins de cette fausse imagination nourrie aux décalcomanies, il était heureux de les entendre recouvrer le sens du plaisir simple. Avec ce sentiment du soleil qui poudroie et de lherbe qui verdoie.
1. "Fly From Here - Overture" 2. "Fly From Here - Pt I - We Can Fly" 3. "Fly From Here - Pt II - Sad Night At The Airfield" 4. "Fly From Here - Pt III - Madman At The Screens" 5. "Fly From Here - Pt IV - Bumpy Ride" 6. "Fly From Here - Pt V - We Can Fly (reprise)" 7. "The Man You Always Wanted Me To Be" 8. "Life On A Film Set" 9. "Hour Of Need" 10. "Solitaire" 11. "Into The Storm"
Line-up de Fly From Here
Chris Squire - bass guitar, vocals Steve Howe - guitars, vocals Alan White - drums Geoff Downes - keyboards Benoît David - lead vocals Trevor Horn - producer, co-writer, vocals
AmarokProg - Rock, Folk, Rock Alternatif, Metal, Prog Rock, Hard Rock, Blues, Bluegrass, Jazz, Celtique... le webzine musical avec albums, groupes, discographies, critiques, videos et extraits...