Titre : Steven Wilsons Job = Sweet and Wild Journey !
Depuis quavait été annoncée officiellement la sortie dun double album, avec la promesse alléchante quun des deux disques contiendrait « un seul morceau de 55 minutes », lattente était fébrile, impatiente mais quelque peu anxieuse. Le chef duvre annoncé allait-il se résumer finalement à un dommageable faux-pas prétentieux, de la part dun Steven Wilson trop sûr de lui ?...
« Tremblez, fans de Porcupine Tree ! Plus grave quun Incident, ce disque sera peut-être un Accident industriel, un échec artistique qui marquera le début de la fin pour le groupe ! »
Eh bien, nen déplaise aux mauvais augures mal intentionnés, ce « The Incident » est tout sauf lIncident de parcours que lon aurait pu craindre Bien au contraire, ce nouvel opus sonne comme une solide Evidence : après 10 albums officiels, et suite à lintense et brillant « Fear of The Blank Planet » de 2007, Porcupine Tree simpose décidément comme LE groupe capable de faire couler sans discontinuer ce jouissif bain de jouvence, énergisant et réconfortant, dont le Rock Progressif avait tant besoin
Loin de sassécher, le bain semble même en voie de devenir fleuve si lon en juge par le succès et laccueil critique élogieux (et mérité) de ce Voyage musical tant attendu.
Habillé darrangements légèrement plus dépouillés que ses prédécesseurs et fort dune production chromée et affutée frisant la perfection, le long morceau-titre dévoile ses ambiances et ses paysages contrastés au fil dune narration farouchement contemporaine qui ne se perd jamais dans des digressions pompeuses ou des démonstrations virtuoses inutiles.
Portés sans relâche par les fines mélodies, les arpèges fluides ou les riffs étouffants délivrés par le groupe, cest avec jubilation et un vrai bonheur découte quon se laisse embarquer dans ce fameux « Musical and narrative Journey » si souvent évoqué par Steven Wilson himself dans ses récentes interviews.
Et en effet, bien que scindé en 14 chapitres de durées très variables, The Incident évite le piège mortel (dennui) de la longue épopée surchargée et préfère promener lauditeur de surfaces liquides trompeusement lisses et faussement placides (« Great expectations », « Kneel And Disconnect » « The Yellow Windows of The Evening Train ») en séismes bouillonnant dintensité inquiète, (« The Blind House », «Octane Twisted», « The Incident », « Circle of Manias »). Dun rebondissement à lautre, via un dérangeant fil rouge narratif fait dune suite de faits divers (réels) évoqués dans un mélange de révolte et de fatalisme douloureux, les compositions inspirées nous plongent régulièrement en eaux troubles («Drawing The Line », « The Séance »), sans pour autant entrainer lauditeur dans un cauchemar sans lumière
Sans délivrer de Message avec un grand M, ce Grand Ordonnateur Tourmenté quest Steven Wilson continue donc de puiser une partie de son inspiration dans les affres dune Société cynique qui détraque les relations humaines et altère la communication. Pour autant, sa réserve dangoisses lancinantes et dintrospection anxiogène ne bascule jamais dans la complaisance. Comme par miracle, la suite kaléïdoscopique casse-gueule se révèle donc étonnamment cohérente ! Même les quelques silences suspendus et les résonnances planantes paraissent tendus à se rompre, à limage de lintroduction simplissime mais diablement impressionnante : demblée, avec « Occams Razor », Wilson donne le signal de départ dune uvre ambitieuse et pourtant salutairement affranchie du besoin déblouir les adeptes de la surenchère pénible. Là où dautres auraient grassement cédé à la tentation de nous cuisiner un Gloubi-Boulga indigeste et inutilement passéiste, le compositeur-chanteur-guitariste surdoué et ses 3 complices étoilés ont eu lintelligence et le bon goût de nous servir un menu riche en saveurs bien dosées, tour à tour amères et explosives.
Bien sûr, en leur cherchant à tout prix des poux dans la tête, on pourrait faire un instant la fine bouche sur le pourtant grandiose « Time Flies », dans lequel les références floydiennes semblent plus évidentes quailleurs
Mais quand un morceau si bien écrit, construit et interprété vous emporte follement dans une mini odyssée de plus de 11 minutes, perle pop-rock traversée par un long break de guitares atmosphériques que ne renierait pas un certain David Gilmour, il faut bien avouer quon prend vraiment son pied !
Clin dil volontaire ou réminiscence, peu importe en fin de compte. Porcupine Tree sait mieux que tout autre groupe de « néo-prog » réconcilier passé et présent, sans que cela sente le rance ou le réchauffé. Alors merci au groupe de nous offrir ce cadeau-hommage parfaitement jubilatoire, à écouter sans modération !
Un compliment qui sapplique dailleurs tout autant aux quatre succulents morceaux du second disque.
Un somptueux « Flicker », onirique à souhait, aux mélodies et harmonies étincelantes Un « Bonnie the Cat » déjanté, orageux et grondant, dont Wilson chuchote les couplets dune voix sombre et atypique Un trop court « Black Dahlia » vaporeux et envoûtant co-signé par Mr « Keyboards Master » Richard Barbieri , et pour finir en beauté un « Remember me lover » de haute volée, sorte de condensé gourmand des différentes facettes musicales dun groupe en parfaite cohésion.
En guise de verdict final, je ne peux que reprendre lexpression pointue et érudite dune vraie mélomane de ma connaissance : « Miam ! »
Pour Wilson et Cie, le pari était osé, le parti-pris était risqué mais au final, la réussite est grande.
Un « Incident » de taille, donc !
Thark Eyelid
Thark Eyelid
Track-list de The Incident
Disc 1 - 55:08 1. The Incident I. Occam's Razor (1:55) II. The Blind House (5:47) III. Great Expectations (1:26) IV. Kneel and Disconnect (2:03) V. Drawing the Line (4:43) VI. The Incident (5:20) VII. Your Unpleasant Family (1:48) VIII. The Yellow Windows of the Evening Train (2:00) IX. Time Flies (11:40) X. Degree Zero of Liberty (1:45) XI. Octane Twisted (5:03) XII. The Séance (2:39) XIII. Circle of Manias (2:18) XIV. I Drive the Hearse (6:41)
Disc 2 - 20:34 1. Flicker (3:42) 2. Bonnie the Cat (5:45) 3. Black Dahlia (3:40) 4. Remember Me Lover (7:28)
Total Time 75:42
Line-up de The Incident
- Steven Wilson / vocals, guitar, piano - Richard Barbieri / keyboards, synthesizer - Colin Edwin / bass guitar - Gavin Harrison / drums
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