Longtemps, Dream Theater sest contenté de séduire les amateurs dun métal défloré aux influences progressives, faisant le bonheur dun fan club en expansion régulière. Or, depuis quelques années, sa position dominante, mise à mal par une tripotée de formations de cheveulus aux doigts agiles, ne lui permet pas de sendormir sur des lauriers tressés tour à tour avec Images and Words (1992) et surtout le monolithe Scenes From A Memory (1999) ; un statut que lon tiendra pour un privilège.
Avec Black Clouds, Silver Linings, les américains tapageurs poursuivent à leur rythme dun album tous les deux ans et dépassent une nouvelle fois les soixante-quinze minutes de musique tous azimuts. On rappelera juste quune telle productivité nest pas si étonnante (Neal Morse ou Roine Stolt peuvent en témoigner), mais lessoufflement subit par le quintet depuis le début du millénaire ne leur permet plus de bombarder lauditeur des fulgurances dautrefois. Première sensation, les nouvelles ambitions affichées dans les tentatives atmosphériques de Chaos In Motion semblent ici dépassées. Même si les musiciens parviennent toujours à bluffer leur monde, la sensation de réécouter les mêmes gimmicks pourra obérer sérieusement lappréciation du disque.
La production, toujours signée Portnoy/Petrucci, monte dun cran et continue de les mettre au centre dun martelage où surnage le chant de James LaBrie, plutôt mieux maîtrisé que précédemment. A lopposé, on regrettera les nouvelles apparitions de grognements superflus et indigestes sur cet album globalement malmené par une propension au boursouflage (« The Best Of Times ») qui nhésite pas à assumer ses aspérités pompeuses entre deux passages chromés (« The Shattered Fortress ») et un single en guise de ballade façon Aerosmith (« Wither »). Mais à la longue cest épuisant. Jordan Rudess est un type sympathique, mais il faudra un jour le convaincre de renouveler sa garde robe sonore pour éviter de tomber trop souvent dans lauto complaisance passéiste. A lopposé, comme un sacerdoce, John Myung, bien que très occupé, reste en retrait jusquà simuler leffacement.
Au-delà de ces défauts devenus habituels, il faut également reconnaître que la semi réussite de « A Nightmare To Remember » (bien vrillé par instant) prépare le terrain au chaleureux « A Rite Of Passage », brûlant dun refrain emballé-cest-pesé et dune seconde partie furieusement jouissive. Lalbum avoue également son petit côté inégal sur le morceau fleuve « The Count Of Tuscany » qui impose une maîtrise technique rarement visitée en suggérant les influences de Yes, Rush et Pink Floyd. Lové dans des canevas rodés à lextrême, Dream Theater ne prend aucun risque. La musique, comme ultime planche de salut, retrouve ses armes favorites avec « The Shattered Fortress », dernière partie de la saga AA déjà constitué des blocs « The Glass Prison », « This Dying Soul », « The Root Of All Evil » et « Repentance ». Lexcellent jeu de questions-réponses auto-référencées brode le morceau dune écriture plus sombre que véritablement bleuté avec ses formidables cordes en introduction et son feeling à toute épreuve John Petrucci délivre un soli final dune grande sensibilité. Le résultat satisfait par un niveau nettement au dessus du tout venant.
Black Cloulds, Silver Linings défie ainsi lauditeur par son léger goût dinachevé en même temps quil semble franchir un cap (enfin). Tout au moins terminer le cycle entâmé avec Six Degrees Of Inner Turbulence. Un paradoxe que les musiciens se chargent de relayer en grandes pompes puisque lalbum sera disponible en trois éditions : simple, double (avec des reprises) et un coffret assez surréaliste comprenant pêle-mêle la version instrumentale, une version vinyl, une lithographie signée par lauteur de la pochette, Hugh Syme, un ticket pour éventuellement rencontrer le quintet et dautres babioles encore. La douce loi du marketing fait son office. En bon élève, Dream Theater suit le mouvement. Imparable conclusion, les autres nont quà bien se tenir : lheure de la retraite na pas encore sonné.
PS : La notation concerne la version 3CD (avec instrumentales et reprises qui ajoutent un certain intérêt à la bête).
1. A Nightmare to Remember (16:10) 2. A Rite of Passage (8:35) 3. Wither (5:25) 4. The Shattered Fortress (12:49) 5. The Best of Times (13:07) 6. The Count of Tuscany (19:16)
Total Time: 75:22
Disc Two: Cover songs
1. Stargazer [Rainbow] (8:11) 2. Tenement Funster / Flick of the Wrist / Lily of the Valley [Queen] (8:18) 3. Odyssey [Dixie Dregs] (8:00) 4. Take Your Fingers from My Hair [Zebra] (8:18) 5. Larks' Tongues in Aspic, Part Two [King Crimson] (6:32) 6. To Tame a Land [Iron Maiden] (7:15)
Total Time: 46:34
Line-up de Black Clouds & Silver Linings
- John Petrucci / guitar - John Myung / bass - Mike Portnoy / drums - James LaBrie / vocals - Jordan Rudess / keyboards
Guest Musicians:
- Jerry Goodman / Violin (The Best of Times, Odyssey, Larks' Tongues in Aspic, Part Two)
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